Une vue dans la forêt se concentre sur le dessous des arbres à plusieurs mètres de la caméra. Des herbes et de la verdure entourent les grands arbres.

Les Hautes Fagnes

Crédits photos: Udo Bernhart
Focus sur les Hautes Fagnes – Suivez le guide !

Des arbres décharnés, une nature sauvage, un dédale de caillebotis et une légère brume… Mélancolie, rêverie et détente sont toujours au rendez-vous des randonnées dans les Hautes Fagnes. Photographe amateur, Guido Bertemes aime s’y balader et nous parle des petits coins secrets qu’il affectionne.

« Normalement, le paysage est tout autre. » Guido Bertemes scrute les environs en se protégeant les yeux du soleil radieux. Perplexe, il rit, regarde dans le viseur de son appareil photo, fait la mise au point et prend une photo. « Souvent, si on a de la chance, la visibilité ne dépasse pas deux rangées d’arbres. » Guido est photographe amateur. Ce passionné a déjà collaboré à plusieurs livres illustrés sur les Hautes Fagnes. Ce natif d’Eupen arpente souvent les tourbières hautes. Mais ce sont presque invariablement les mêmes endroits qui l’attirent.

Les Six Hêtres, par exemple, six vieux arbres sous lesquels les bergers des Fagnes venaient faire la sieste au siècle dernier. Aucun panneau pour signaler l’endroit, aucune explication quant à leur particularité. Ici, il y a six hêtres. Un point c’est tout. « Quand il y a du brouillard, cet endroit est assez magique », ajoute Guido. Mais même sous un grand soleil, les puissantes branches de ces arbres ressemblent à des mains griffues émergeant d’une mer de hautes herbes. « C’est une belle composition », constate Guido avant de déclencher.

Des cohortes d’arbres décharnés hantent ce plateau de 5 000 hectares. Les tourbières de sphaignes multicolores gorgées d’eau dominent le paysage. La survie y est difficile. Elles ont commencé à se former après la dernière période glaciaire. À certains endroits, elles s’enfoncent à dix mètres de profondeur. Toutefois, le randonneur ne finit pas forcément les pieds mouillés. Un vaste réseau de sentiers s’étend sur toute cette zone, des Cantons de l’Est à la Rhénanie-du-Nord-Westphalie en passant par la Wallonie voisine. Cependant, tous les chemins ne sont pas accessibles librement. Les Fagnes sont divisées en zones (B, C et D). Les zones B sont ouvertes à tous les visiteurs. Les zones C ne sont accessibles qu’avec un guide de randonnée et les zones D sont fermées au public.

Une vue dans la forêt se concentre sur le dessous des arbres à plusieurs mètres de la caméra. Des herbes et de la verdure entourent les grands arbres. Crédits photos: Udo Bernhart
Un point culminant discret

Au sommet d’une petite colline herbeuse, il faut encore gravir un escalier de pierre pour parvenir au point culminant de la Belgique. Jadis, un homme d’État ambitieux avait rêvé d’une Belgique culminant à sept cents mètres d’altitude. Il avait simplement fait ériger un escalier à Botrange, dans les Hautes Fagnes, point culminant de la Belgique (694 mètres au-dessus du niveau de la mer), pour compenser les six derniers mètres jusqu’au repère des 700 mètres. Même avec cet escalier, la Belgique n’atteint pas la marque fatidique. Une malencontreuse erreur de calcul en est la cause, mais cela ne dérange plus personne.

Guido désigne de la main l’escalier de ce modeste point culminant et marmonne : « Au sommet, on est généralement déçu, parce qu’il n’y a vraiment pas grand-chose à voir ». Pourtant, il ne manque jamais de gravir ces marches à chacun de ses passages. Car si on se détourne de la cime des arbres pour regarder vers la route, on peut apercevoir la Fagne wallonne. Pour se rapprocher de la nature, mieux vaut rejoindre la plate-forme panoramique en bois de l’autre côté de la route. Sur cette grande étendue en friche, le vent s’emballe et ébouriffe les cheveux des visiteurs. Cette brise est la bienvenue par cette chaleur qui pèse sur le paysage comme une chape de plomb.

Le point culminant de la Belgique est représenté par une petite colline surmontée d'un escalier. Une forêt entoure la colline. Crédits photos: Udo Bernhart

Au fil des saisons, les Fagnes se révèlent sous des atours différents. Au printemps, les tapis de sphaignes sont tachetés du blanc des fleurs de linaigrettes. En été, de grandes nappes de narthécies des marais ondulent sur la lande et les herbes se parent d’un habit vert anormalement luxuriant. Mais la saison préférée de Guido, c’est l’automne, quand la brume s’accroche aux pieds des arbres mordorés. C’est merveilleusement mystique et mélancolique, avoue le photographe.

Le guide touristique se tient sur une promenade qui mène les randonneurs à travers le paysage vert. Les petits arbres sont peu visibles.
Crédits photos: Udo Bernhart
Quand sonne la cloche

À la tombée de la nuit ou quand le brouillard envahit la lande, il devient difficile de trouver son chemin. Heureusement, une tour peut servir de point de repère aux randonneurs. Autrefois, une cloche et une balise lumineuse servaient à s’orienter. Jusqu’en 1867, la cloche, accrochée à la pittoresque auberge La Baraque Michel, était sonnée tous les soirs et par temps brumeux.

L’établissement jouxte le parking des randonneurs, d’où partent de nombreux circuits dans les Fagnes. « Sur le chemin du retour, une halte au restaurant s’impose », ajoute Guido avec force enthousiasme. Et de nous conseiller le « bon pain fait main » et les boulettes de marcassin au chou rouge. Mais aujourd’hui, le photographe n’est pas là pour se régaler de cuisine du terroir. L’auberge est d’ailleurs fermée le mercredi. Il est venu pour Marie et François, le couple tragique des Fagnes. La boucle commence à la chapelle Fischbach, dont la tour abritait encore au siècle dernier une balise censée aider les égarés à rentrer à bon port.

Le sentier est bien aménagé, mais Guido semble marcher d’un pas plus lourd. Il suit avec attention le chemin empierré d’où émergent çà et là des pavés carrés. Les lettres P et B sont gravées sur certaines faces. « Le chemin longe l’ancienne frontière du diocèse entre la Prusse et la Belgique », explique Guido. Il traversait jadis un territoire inhospitalier et dangereux.

Une forêt avec de grands arbres est représentée. Les arbres ont de grands espaces entre eux et on peut voir un ciel bleu entre les arbres. Crédits photos: Udo Bernhart

« Le récit de François et Marie est une histoire d’amour qui finit mal », nous confie Guido tout en rejoignant une borne à côté de laquelle s’élève une grande croix de bois. Le jeune couple voulait traverser les Hautes Fagnes par une nuit glaciale de janvier 1871 pour aller chercher ses papiers de mariage. Faisant fi des mises en garde, ils s’en allèrent dans le blizzard, se perdirent en chemin et moururent de froid. La « Croix des Fiancés » marquerait le lieu où Marie rendit l’âme. François serait parti chercher de l’aide. Il gisait à une centaine de mètres de là. « On n’a retrouvé les corps que deux mois plus tard, après la fonte des neiges » murmure Guido, en saisissant le cœur noué rouge à un ruban écarlate et enroulé autour de la croix comme un collier. « C’est aussi une histoire d’espoir et d’amour. » C’est peut-être pour cela que la Croix des Fiancés est devenue un petit lieu de pèlerinage dans les Fagnes.

Au centre se trouve une croix portant les noms du célèbre personnage historique François Reiff. Il est situé entre les arbres. Crédits photos: Udo Bernhart

Elle est mentionnée dans tous les guides de voyage, mais l’endroit est assez sobre. Si l’on ignore l’anecdote, c’est une croix parmi tant d’autres érigées dans les Hautes Fagnes. Encore un lieu qui, en temps normal, donnerait la chair de poule. Mais cette journée est l’exception qui confirme la règle. Il n’y a aucun brouillard pour submerger les buissons et les arbres environnants, et couvrir les branches et les croix d’un voile d’invisibilité.

https://www.ostbelgien.eu/fr/que-faire/ou-aller/hautes-fagnes/tout-savoir-sur-les-hautes-fagnes

Guido Bertemes
Photographe amateur
« Quand il y a du brouillard, cet endroit est assez magique »
Le guide touristique est photographié regardant l'appareil photo et souriant. Il porte sa caméra dans ses mains et la dirige vers le spectateur.
Crédits photos: Udo Bernhart
Un petit ruisseau est le point central de cette peinture, reflétant les couleurs de la nature qui l'entoure.
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