Projet « WaldWerken » dans la réserve de biosphère
Crédits photos: Gregor LenglerLe luxe réside dans la simplicité
Lothar Wilhelm est une figure légendaire de la réserve de biosphère UNESCO du Bliesgau. Au cœur de la forêt, il construit des chaises, des bancs et des xylophones dans le cadre d’ateliers. Comme autrefois : sans appareils électriques, seulement avec des outils en bois.
En exerçant une pression, mais toujours en douceur, Lothar enfonce le foret dans le bois. La branche grince et craque. Lentement, le foret s’enfonce plus profondément dans le bois, comme un tire-bouchon dans un bouchon. Des éclats de bois tombent de l’étau dans lequel le bois est maintenu. Lothar continue de tourner avec précautions. Philipp, un participant, est assis à côté de lui en position accroupie et surveille le dessous de la branche ; celle-ci ne doit en aucun cas se casser. Et puis ce qui devait arriver arriva : un craquement, un grincement, la pointe du foret émerge de la branche, et du bois se détache à droite et à gauche du trou de perçage. « Oh mince », s’exclame Philipp. Mais Lothar sourit calmement : « Pas de problème. C’est comme ça quand on travaille à la main et sans appareils électriques ».
Il a l’habitude : Lothar Wilhelm, sociologue de formation, s’intéresse depuis de nombreuses années à l’artisanat traditionnel du bois et à la forêt. Depuis plus de 20 ans, il fabrique toutes sortes de choses en bois, en utilisant presque exclusivement des outils qui fonctionnent sans électricité. Aujourd’hui, il partage ses connaissances au cœur de la réserve de biosphère du Bliesgau, à proximité de la ville baroque de Blieskastel, dans le cadre du projet WaldWerken. Les participants, comme Phillip, construisent des chaises, des bancs ou des xylophones en bois au cœur de la forêt dans une clairière, dans l’« atelier en plein air », comme il l’appelle. « J’ai toujours eu un lien fort avec la forêt depuis mon enfance, puis plus tard j’ai remarqué combien il est bénéfique de passer du temps en forêt, et que l’on devient plus ouvert aux autres et aux nouveaux projets quand ils ont lieu dans la forêt », dit l’artisan et philosophe de la forêt.
Dans le cadre du projet « WaldWerken », Lothar enseigne également des choses importantes sur la conservation de la nature
En été, il fait agréablement frais ici, à l’ombre des grands hêtres. De temps en temps, le soleil pénètre la dense canopée, illuminant le vert des fougères sur le sol de la forêt. « En fait, les fougères ne sont pas très bonnes pour la forêt », nous dit Lothar. « Elles poussent comme des mauvaises herbes et enlèvent la lumière aux petits arbres, mais elles sont belles. » Comme il a raison. Les oiseaux gazouillent, le vent bruisse haut au-dessus des têtes du petit groupe qui s’affaire à construire ses chaises en bois sauvage dans la clairière. Malgré le calme qui règne dans la forêt, l’endroit est animé. Philipp est toujours occupé avec la perceuse manuelle.
Avec Markus, il tente à nouveau de percer un trou dans une branche, cette fois sans fendre le bois. À quelques mètres de là, Anne est assise sur un vieux banc en bois sculpté. Avec ses pieds, elle appuie sur un levier qui fixe une grosse branche sur le banc. Couche après couche, elle épluche la branche jusqu’à ce qu’elle puisse l’entourer de sa main. Qu’est-ce qu’elle construit ? « Un marteau », dit fièrement Anne. « Nous pourrons l’utiliser pour assembler les différents meubles. »
Mais ils n’utilisent pas de clous. « Le secret, ce sont les trous de perçage aux dimensions exactes, les tenons sculptés avec précision et un peu de colle à bois », révèle Lothar. Et c’est précisément ce travail en filigrane qui fait que la fabrication de meubles est plus que du pur artisanat. « C’est une sorte de méditation et de décélération à la fois, qui fait oublier le quotidien », dit-il en souriant dans sa barbe grise.
Les participants passent au total cinq jours ensemble jusqu’à ce que leurs chaises soient terminées. Deux jours au printemps et deux à la fin de l’été. « Au printemps, quand les branches des arbres sont remplies de sève, nous récoltons le bois dont nous avons besoin pour les œuvres d’art », dit Lothar. « Nous ne nous contentons pas d’abattre au hasard de petits arbres, mais nous ne prélevons de la nature que du bois malade ou des petits arbres trop proches des autres. En fin de parcours, nous plantons aussi quelques nouveaux jeunes arbres pour compenser notre interférence avec la nature.
Donc, en plus de fabriquer des chaises, nous faisons aussi un peu de gestion et de conservation de la forêt ». Les participants enlèvent ensuite l’écorce du bois vert, qui sèche jusqu’à la fin de l’été. Puis vient la construction à proprement parler. « Le premier jour, nous construisons la partie arrière de la chaise, le deuxième jour, la partie avant et nous relions les deux ensemble, et le troisième jour, nous tissons le siège et assurons la stabilité », explique l’artisan. Le tout sans électricité ni appareils électriques.
En fin de compte, chaque chaise est unique. Mais le facteur décisif dans la construction n’est pas le résultat. Lothar déclare : « Bien sûr, un tel souvenir est formidable, mais ce qui est encore plus important, ce sont les expériences, l’entraide mutuelle et l’appréciation au sein du groupe. Souvent, certains viennent avec les compétences manuelles et d’autres avec les idées. L’association des deux contribue à la réussite du projet. »
L'idée japonaise du bain de forêt a beaucoup inspiré Lothar
C’est vrai cette fois encore : tandis que Philipp et Markus sont responsables du travail préliminaire, Anne et Svenja réfléchissent aux couleurs du siège. « Pour cela, nous utilisons des rubans de coton qui sont tissés les uns avec les autres », explique Lothar. « Et c’est beaucoup plus facile qu’il n’y paraît. » En général, beaucoup de participants n’ont pas confiance en eux au début, et à la fin, ils sont surpris et très fiers de ce qu’ils ont réalisé et créé de leurs propres mains.
Lothar a emprunté son attitude durable envers la forêt et sa philosophie pédagogique aux Japonais. « Des chercheurs japonais ont découvert que les odeurs de la forêt libèrent de nombreux blocages physiques et mentaux chez les gens. C’est à partir de là qu’ils ont développé l’idée de « shinrin yoku », qui se traduit par forêt et baignade et qui est maintenant pratiqué ici en Allemagne », explique-t-il. « Aussi, les Japonais veulent faire beaucoup de choses à la main par principe, à cause de leur philosophie et de leur esthétique, et cela ferme la boucle du projet WaldWerken, des choses simples de la vie. Pour moi aussi, le luxe réside dans la simplicité, dans le fait de travailler avec des outils à bois plutôt qu’avec des machines ». Même les outils qu’il utilise dans ses cours ont été construits au Japon. Mais Lothar ne s’y est jamais rendu. « Je ne suis pas un voyageur passionné, je préfère rester ici, dans ma forêt », dit-il en souriant.
Les participants partagent sa passion pour l’artisanat et la forêt. Beaucoup d’entre eux sont des « habitués » et participent déjà pour la deuxième ou la troisième fois. « J’ai déjà presque tout un lot de sièges à la maison », dit Markus en riant. Lui et Philipp sont toujours en train de chercher la bonne technique de perçage. « Ça-y-est, on a trouvé une solution », s’exclame Philipp. Avec précautions, il pénètre avec la perceuse manuelle dans une branche. Elle grince et craque jusqu’à ce que la perceuse soit à mi-chemin. « Stop », dit Markus, « maintenant on la retourne ». Philipp sort la perceuse du trou et ensemble ils retournent la branche et la remettent dans l’étau.
Une deuxième fois, Philipp enfonce la perceuse. Il tourne et tourne, des copeaux tombent à nouveau et, d’un coup sec, la perceuse glisse jusqu’au fond du trou. C’est fini ! Les deux hommes présentent fièrement leur résultat à Lothar : un trou sans fissures dans le bois. « Vous voyez. Pour certains, ce n’est qu’un trou, mais pour Markus et Philipp, c’est un sentiment d’accomplissement. Et c’est ce qui fait la valeur du projet WaldWerken ».
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